Le vent est-il en train de tourner pour les compagnies aériennes européennes ? Soupçonnées de pratiques commerciales et publicitaires trompeuses, vingt entreprises du secteur – dont Air France, KLM et Ryanair – viennent en effet de recevoir une lettre de la Commission européenne les priant d'étayer leurs arguments écologiques par des preuves scientifiques solides, sous trente jours. Alertée en juin 2023 par le Bureau européen des consommateurs (Beuc) qui fédère une quarantaine d'associations issues de trente-et-un pays, la Commission a en effet listé toute une série de démarches pouvant relever du greenwashing de la part de ces entreprises : accoler les adjectifs « vert », « durable » et « responsable » sans préciser clairement ce qu'ils recouvrent, par exemple, ou utiliser le terme « carburants d'aviation durables » (CAD) sans justifier la réduction de l'impact environnemental réel de ces produits.
Mais aussi laisser croire aux passagers qu'ils peuvent contrebalancer leurs émissions de CO2 via du soutien à l'utilisation de carburants alternatifs ou des projets climatiques, moyennant une redevance. En raison du haut niveau de pollution du trafic aérien – à l'origine par exemple de 164,85 millions de tonnes de CO2 pour 6,1 millions de vols au départ de l'Europe en 2023 –, les allégations liées à la compensation ou à la neutralisation d'un trajet ne peuvent de toute façon qu'être qu'inexactes selon le Beuc. « Il est inacceptable que les compagnies aériennes aient librement incité les consommateurs à compenser les émissions de leurs vols, parfois à un prix élevé, insiste Monique Goyens, directrice générale de la fédération. On ne peut jamais être sûr que les arbres plantés pour compenser les émissions élevées d'un vol capteront le carbone dans le sol – s'ils sont plantés. »
Des explications attendues
Selon la directive européenne de 2005, revue en mars dernier, « une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses et qu'elle est donc mensongère ou que, d'une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d'induire en erreur le consommateur moyen. » Les autorités européennes ont jugé que c'était le cas de toutes ces démarches. D'ici un mois, ces compagnies devront donc expliquer à la Commission les mesures qu'elles envisagent de prendre pour remédier à ces insuffisances ou à ces dérives.
6,1 millions
C'est le nombre de vols aériens au départ de l'Europe en 2023.
Les éclaircissements des entreprises feront l'objet d'échanges avec les autorités européennes. Une « excellente nouvelle » pour Monique Goyens. « Le greenwashing n'est plus acceptable et le fait que l'aviation soit l'un des secteurs les plus polluants le rend encore plus intolérable.» Selon la fédération d'ONG Transport & Environment, 78 % des émissions de CO2 de l'aviation n'auraient en outre pas été tarifées en 2023, en raison notamment des règles limitant les taxes carbone aux vols intra-européens. La Commission surveillera la mise en œuvre des modifications convenues avec les compagnies aériennes concernées. L'absence de mesures adéquates de leur part les exposeraient à de nouvelles mesures d'exécution ou à des sanctions.